Comme nous avons pu le voir dans l’article sur le Concept de l’aveuglement au changement que je vous invite à lire, le filtre de notre cerveau est assez puissant pour nous amener à rater des éléments importants dans notre environnement. En général ce filtrage automatique des distractions nous facilite la vie, mais dans certaines situations, plus de contrôle sur le faisceau de notre attention serait une bonne chose.
Exemple
Dans le cas où on fait défiler une liste de mots colorés et qu’on vous demande de les lire : rouge pour le mot ROUGE, vert pour VERT, bleu pour BLEU, etc. Vous n’aurez vraisemblablement aucun mal à exécuter cette tâche. Mais si je donnais à chacun de ces mots une couleur différente de celle qu’ils représentent : ROUGE / VERT / ROSE : vous mettrez en moyenne une fois et demie plus de temps à répondre.
Cela est dû à l’interférence qu’exerce un signal sur un autre dans notre cerveau pour capter notre attention et c’est ce qu’on appelle l’Effet Stroup.
Du point de vue des neurosciences, on pense que la couleur est traitée dans le passage du cerveau appelé la voie ventrale tandis que la lecture semble relever d’autres régions du cerveau dans le lobe occipital et le lobe temporal. Ainsi, c’est parce que le filtre de l’attention n’arrive pas à étouffer l’instinct qui nous pousse à lire le mot, qu’il devient difficile de nommer la couleur.
Cette interférence des fonctions automatiques du cerveau avec notre capacité à exécuter une tâche est un problème que l’on rencontre tous les jours.
Exemple, au golf, ce que recommande la sagesse populaire quand on fait un swing c’est de ne pas trop réfléchir. Votre meilleur swing est un geste que votre corps effectue automatiquement à partir de mouvements musculaires très étudiés et mis au point dans la zone du cerveau que l’on appelle le cortex moteur.
Si vous commencez à vous poser des questions sur votre swing, cela crée des signaux supplémentaires dans diverses zones de votre cerveau qui interfèrent avec les régions qui savent par coeur comment exécuter votre meilleur swing. Le problème est alors de savoir comment stopper les effors automatique du cerveau pour ajuster son swing.
L’hypnose peut inhiber les signaux automatiques de notre cerveau
Amir Raz – chercheur en neurosciences et professeur à l’université Mcgill effectue des recherches sur l’hypnose : une méthode de manipulation de l’attention pour tenter de mieux comprendre comment se forme l’attention dans le cerveau..
Il a découvert que, sous hypnose, certaines personnes arrivent à régler avec précision leur attention en stoppant en les signaux automatiques qui surgissent dans le cerveau.
Expérience N°1
En travaillant avec Aline G. dans un café de glace, il veut voir si l’hypnose est un outil suffisamment puissant pour la convaincre qu’elle meurt de chaud dans cet environnement glacial. Amir Raz :
« Lorsque l’on parle d’hypnose on fait référence à des situations où des personnes peuvent pousser leur attention dans une dimension extrême, une dimension où l’attention peut en fait régler et moduler leurs plus hautes fonctions cérébrales, leurs émotions, leurs pensées et leurs agissements. »
Dans cet exercice d’hypnose Aline devrait être capable d’ignorer les stimuli de son cerveau qui essaient de retenir son attention et lui disent qu’elle a froid.
Et ça marche ! Dans le café de glace, Aline et son cerveau croit mourir de chaud dans un café de glace !
Expérience N°2
A présent le Dr. Raz veut voir si elle est capable de déconnecter d’autres parties de son cerveau et d’oublier quelque chose qu’elle connaît depuis l’enfance : le chiffre 4. Il va temporairement effacer le concept 4 de son esprit. Le Dr va procéder à une série de questions auxquelles Aline va répondre en supprimant intégralement le chiffre de 4 de ses connaissances.
- Ainsi à la question « Peux-tu compter de 1 à 10 ?« , elle répondra « 1 2 3 5 6 7 8 9 10«
- « Combien de roues une voiture possède-t-elle ? » -> « 3 !«
- « Et un tricycle alors ? » -> « 3…«
- « Cela ne vous paraît-il pas bizarre ? » « Si en effet, mais je ne vois pas d’autres réponses.«
- Et pour aller encore plus loin : « Peux tu lire le mot que forment les lettres q_u_a_t_r_e et me dire à quoi celui-là te fait-il penser ?« , toujours pas : « [kwuatre] ça me dit vaguement quelque chose mais non je ne sais pas«
L’expérience terminée, la jeune femme peut reconnecter les circuits de son cerveau qu’elle avait provisoirement débrancher et avoir ainsi de nouveaux accès aux chiffres 4.
Ainsi, sous hypnose, Aline a été capable de supprimer certains signaux cérébraux et d’en créer d’autres pour accomplir cette tâche.
Expérience N°3
A présent le professeur Raz veut voir si sous hypnose une de ses étudiantes peut augmenter ses performances dans un test que vous connaissez bien… Celui où les couleurs ne correspondent pas aux mots inscrits sur l’écran dont on avait parlé un peu plus haut.
En mettant son étudiante sous hypnose, le professeur cherche à voir si elle peut annihiler les tentatives de son cerveau pour lire les mots et identifier ainsi plus rapidement les couleurs.
Pour faire cela il doit lui demander d’oublier qu’elle sait lire :
« Vous allez voir apparaître sur l’écran toute sorte de symboles. Ces symboles seront dans un langage étrange et que vous ne connaissez pas mais ils seront écrits dans des couleurs différentes. Ce que je vous demanderai de faire c’est de me dire le plus vite possible la couleur du mot. »
Et Résultat : elle les lit très vite car il n’y a plus d’interférences !
Le résultat des nombreux tests effectués par le Professeur Raz montrent que les personnes sous hypnose répondent beaucoup plus vite que la moyenne des gens.
« Les personnes soumises à une suggestion X sont capables de dégrader la qualité de ce qu’elle voit de sorte qu’elles captent la couleur mais pas le sens du mot »
Les pratiques comme l’hypnose ou la méditation nous permettraient donc de recâbler notre cerveau de façon à accroître nos facultés de concentration et nous rendre ainsi plus performant dans les tâches de la vie quotidienne.
Mais n’oubliez pas que si vous avez raté une information à un moment précis, c’est qu’à ce moment là votre cerveau a fait ce qu’il fait de mieux : mettre toute votre attention sur ce qui est important et ignorer ce qui ne l’est pas…
Et voilà toute la différence entre ce que l’on regarde et ce que l’on voit !